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JACQUES PERCONTE

paysages, corps, couleurs, matières, vitesses en arts plastiques, en numérique.

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PÉRILS

Single channel video, stereo
Compressions dansantes de données vidéo
Massif du Mont Blanc (2024), feuille d’or

EN

Si les glaciers disparaissent et les montagnes s’effondrent, moi je meurs. Le temps d’une vie, je m’aventure au péril des jours, en traversant les périls du monde. La montagne est dangereuse. Les humains sont dangereux. Mais au cours de ce voyage, soleils après soleil, j’apprends à ne pas me laisser emporter par les mots et les idées, à ne pas réagir à ce qui m’entraînerait dans une course contre la montre, plongé dans les méandres d’un dépaysement nocif. À chaque seconde rayonne l’immense beauté des formes. Tout me dépasse. C’est merveilleux. Si j’arrive à ressentir l’évidence de ce qui est là, l’assurance d’une quiétude bienveillante, garde mes pas et guide mes gestes. À chaque seconde, je vois tout pour la première fois. Plongée dans l’or, la montagne glisse et je la regarde.

Je suis fasciné par l’océan Atlantique. Il a occupé une place importante dans mon travail. Et, j’ai découvert la Manche, où j’ai filmé pendant 12 années consécutives au même endroit. Et puis la vie m’a ramené vers la montagne, le lieu de ma naissance, qui cristallise mes recherches depuis maintenant 7 ans.

La montagne m’impressionne. Comme la mer, elle ne peut être pleinement révélée par autre chose que l’expérience physique de sa rencontre.

Mon aventure avec le paysage, bien ancrée dans notre tradition européenne, nourrie par mon éducation et enrichie par mes lectures, m’a fait traverser de nombreuses idées. Le paysage a longtemps été en question dans mon travail.

J’ai finalement réalisé que nous transformons tout en paysage et que, bien que j’aie tenté de m’en échapper par moments, ce que je devais faire n’était pas de penser à mes images ou à mes projets, mais plutôt à mon attitude. J’ai dû abandonner les désirs qui faisaient que chaque image marquait la fin de quelque chose, pour nourrir une approche bienveillante qui m’ouvrait la piste d’une grande aventure.

Mes images travaillent une sorte de dépaysement. Dans la continuité du monde, elles ne renvoient pas photographiquement à la réalité. Elles proposent une nécessaire adaptation à la vision nouvelle d’une chose connue. Elles travaillent l’expérience intérieure et la relation avec le monde extérieur.

Je fréquente quelques sommets, toujours les mêmes, sans jamais les gravir. Il ne m’est pas nécessaire de les escalader pour les aimer. Je ne peux pas les voir de près. Je filme les montagnes de loin, en utilisant de longues focales pour explorer leurs volumes, leurs couleurs, leurs dessins, non dans un souci descriptif, mais plutôt avec l’intention de prendre le temps de les voir. J’essaie d’être pleinement là, avec et sans ma caméra. Je n’éprouve aucun désir de les conquérir. Ils me fascinent tant par leur imposante et gracieuse présence que par l’imaginaire qu’ils déploient. Et je crois que je ne me lasserai jamais de les regarder. Mais est-ce que ces images-souvenirs n’appartiennent pas au passé ? Je me dis que la nature, il faut la laisser. Ces images resteront, les paysages disparaîtront pour de nouveaux. L’aiguille du midi finira par s’effondrer. Le Mont-Blanc verra son manteau de glace se réduire, et sans neige il finira en rocher escarpé, rongé par l’érosion.

S’aventurer c’est une chose, dominer par le tourisme c’en est une autre. La montagne est dangereuse. Elle le sera de plus en plus. Comme en mer, la mort nous y guette. La question n’est pas de fabriquer des machines, de développer des technologies, ou de terrasser la nature pour profiter d’une belle vue ni se raconter un exploit au travers de mémoires qui ne nous appartiennent pas. S’aventurer, c’est aller dans les endroits les plus dangereux, où la mort est possible, pour ne pas mourir comme aller à quelques pas, nulle part en particulier, là où a priori rien ne peut arriver, et voir la vie est partout, se sentir pleinement présent sans se penser, plein de vitalité, dans le monde physique, comme un animal, comme un arbre, comme une montagne, comme le ciel, l’univers.

Le péril devient une source d’inspiration pour l’art. Sans métaphores, un monde d’innocence s’effondre. Préférons-nous brûler que changer ?

Quelques images de la pièce sur flickr → Périls.

FR
EN

I am fascinated by the Atlantic Ocean. It has played an important part in my work. And I discovered the English Channel, where I filmed for 12 consecutive years in the same place. And then life brought me back to the mountains, the place of my birth, which has been the focus of my research for the last 7 years.

The mountains impress me. Like the sea, they cannot be fully revealed by anything other than the physical experience of encountering them.

My adventure with the landscape, firmly rooted in our European tradition, nourished by my education and enriched by my reading, has led me through many ideas. The landscape has long been an issue in my work.

I finally realised that we transform everything into landscape and that, although I tried to escape it at times, what I had to do was not think about my images or my projects but rather about my attitude. I had to abandon the desires that meant that each image marked the end of something, to nurture a benevolent approach that opened the way for a great adventure.

My images create a kind of change of scenery. In the continuity of the world, they do not photographically refer to reality. They propose a necessary adaptation to the new vision of a known thing. They work on the inner experience and the relationship with the outside world.

I visit a few mountain peaks, always the same ones, without ever climbing them. I don't need to climb them to love them. I can't see them up close. I film the mountains from a distance, using long focal lengths to explore their volumes, their colours, and their patterns, not for descriptive purposes but rather with the intention of taking the time to see them. I try to be fully present, with and without my camera. I have no desire to conquer them. They fascinate me as much for their imposing and graceful presence as for the imagination they evoke. And I don't think I'll ever get tired of looking at them. But don't these images and memories belong to the past? I tell myself that we have to leave nature alone. These images will remain, and the landscapes will disappear to be replaced by new ones. The Aiguille du Midi will eventually collapse. Mont Blanc will see its ice cap shrink, and without snow, it will end up as a craggy rock eroded away.

Venturing out is one thing, dominating through tourism is quite another. The mountains are dangerous. They will become increasingly so. As at sea, death awaits us there. The question is not to manufacture machines, to develop technologies, or to trample nature in order to enjoy a beautiful view or to tell ourselves a story of achievement through memories that do not belong to us. To venture is to go to the most dangerous places, where death is possible, so as not to die as opposed to going a few steps, nowhere in particular, where a priori nothing can happen, and to see that life is everywhere, to feel fully present without thinking about oneself, full of vitality, in the physical world, like an animal, like a tree, like a mountain, like a sky, the universe.

Peril becomes a source of inspiration for art. Without metaphors, a world of innocence collapses. Would we rather burn than change?

* Il se peut qu'il y ait un mot de passe si le film n'est pas est encore fini ou en "exploitation", écrivez-moi, on ne sait jamais, je vous le passerai peut-être ;).
** Il me semble toujours utile de rappeler que ces images, ces vidéos, ces sons que vous trouvez ici sont des documents. Il exposent ce que les pièces représentent. Mais ils ne donnent pas accès à sa véritable expérience. Rien ne vaut, si elle vous plaisent, leur découverte in situ, en salle ou en exposition.

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