paysages, corps, couleurs, matières, vitesses en arts plastiques, en numérique.
2025 (2021-2024), multichannel video 65'00''
Vidéo bicanale 4K / monocanale 8k, couleur, audio stéréo / quadriphonie
super-résolution IA, compression vidéo expérimentale
Avec le soutien du Musée du Jeu de Paume, Paris, et du Musée-Château d’Annecy
Courtesy de la galerie Charlot, Paris
Distribution
Galeries/Musées
Inaccessible, difficile, chère, la montagne a été conquise par l’industrialisation de l’accessibilité. Les rares expéditions historiques d’aventuriers qui ont bâti l’imaginaire que nous avons aujourd’hui n’ont presque plus d’écho. Le tourisme de masse a envahi les hauts sommets, et le mont Blanc en Europe, comme l’Everest à l’échelle de planète, est embouteillé.
Dans Better Mont-Blanc, Jacques Perconte explore les effets plastiques et les enjeux théoriques d’une des opérations effectuées par les modèles d’IA générative : l’upscaling, soit l’augmentation du niveau de définition des images numériques. L’œuvre est réalisée à partir d’images historiques et contemporaines, photographiées et tournées sur le mont Blanc, autour des mines de lignite de Hambach, de fonderies et de centrale nucléaires en France. La fonte des glaciers alpins est mise ici en regard d’infrastructures et de techniques d’extraction et d’exploitation de ressources terrestres, rappelant l’expansion, l’interconnexion et l’uniformisation des activités humaines. L’œuvre propose une méditation sur la tension entre la richesse irréductible de l’expérience sensible, et l’approximation statistique des images générées par l’IA. Elle interroge notre rapport au progrès, à l’effort et au désir d’appropriation d’un monde qui disparaît sous nos yeux.
Le monde selon l'IA
Musée du jeu de Paume
Du 11 avril au 21 septembre 2025
Commissaire général : Antonio Somaini.
Commissaires associés : Ada Ackerman, Alexandre Gefen, Pia Viewing
Inaccessible, difficult, expensive, mountains have been conquered by the industrialisation of accessibility. The rare historical expeditions of adventurers who built our imaginary world today have almost no echo. Mass tourism has invaded the high peaks, and Mont Blanc in Europe, like Everest on a global scale, is congested.
In Better Mont-Blanc, Jacques Perconte explores the visual effects and theoretical implications of one of the operations performed by generative AI models: upscaling, or increasing the resolution of digital images. The work is based on historical and contemporary images photographed and filmed around Mont Blanc, the lignite mines of Hambach, foundries, and nuclear power plants in France. The melting of Alpine glaciers is juxtaposed here with infrastructure and techniques for extracting and exploiting terrestrial resources, recalling human activities' expansion, interconnection and standardisation. The work mediates the tension between the irreducible richness of sensory experience and the statistical approximation of AI-generated images. It questions our relationship to progress, effort and the desire to appropriate a world that is disappearing before our eyes.
Ce texte est accessible temporairement.
Définition et résolution : la définition, c’est la quantité de pixels indépendamment de la taille d’affichage alors que la résolution, c’est cette même quantité rapportée à la dimension physique de l’image. Ainsi, une image de même définition, selon sa taille, peut avoir des résolutions différentes. À la même distance de nos yeux, une image de 300 pixels sur 300, d’un centimètre de côté, nous apparaîtra très finement détaillée, alors que, si elle fait un mètre de côté, on verra une mosaïque difficilement lisible. Il faudra s’éloigner pour voir ce qu’elle affiche plus correctement. (En anglais, se traduit par résolution, ce qui prête à confusion)
Cette vidéo joue sur ces questions de résolution et de définition. Elle met en scène des images dans une définition que nous avons rarement l’occasion de fréquenter. Elle est constituée de deux images 4K à la verticale pour une définition totale de 4320 pixels de large sur 3840 de haut. L’image arbore ainsi une définition d’environ 16,6 millions de pixels.
Ce que l’on voit à l’entrée de la salle, assis sur un des cubes, ou debout près de l’écran, peut énormément faire varier l’expérience selon les séquences.
De loin, par cet effet de la résolution, beaucoup d’images ressemblent à ce que l’on retrouve généralement dans mes pièces. Certaines choses ne sont visibles qu’en s’approchant des écrans. C’est pour cela que la disposition des cubes sur les côtés est importante, pour laisser le passage ouvert.
On ne verra absolument pas de la même manière cette vidéo si on la regarde sur un écran d’ordinateur, ou si elle est exposée dans ses dimensions « normales ».
La vidéo met en scène plusieurs régimes d’image. Des images argentiques (1850-1930) scannées dans les collections du musée d’Annecy, des images tournées en mode portrait « brutes » sorties directement de mes caméras en 2, 4 et 8 millions de pixels, des images agrandies ( upscalées) avec différents algorithmes de superrésolution (Topaz: Rhea, Artemis, Protheus, Theia) jusque dans des définitions approchant les 100 millions de pixels et des compressions vidéos expérimentales. Ces dernières sont la composante historique de mon travail plastique.
Je dois préciser que ce travail plastique expérimental développé depuis vingt-cinq ans sur les infrastructures (standards) des flux vidéo en manipulant la manière dont les images sont compressées entre en résonance directe avec la manière dont fonctionnent les plus récents outils industriels d’agrandissement des images.
La manière dont je fais dysfonctionner (ou fonctionner autrement) la compression fait apparaître des artefacts au cœur des infrastructures de l’encodage dans les images. Mes techniques fondent une sorte d’artisanat de l’encodage des images qui me permet de sculpter plastiquement leur corps, et libérer une organicité dans le rapport fond/forme qui rappelle l’impression que nous laisse la peinture.
Jusqu’à peu, l’agrandissement des images de manière informatique se faisait par l’utilisation d’algorithmes qui par les mathématiques essayaient d’augmenter la quantité de pixels dans les images. Cela conduisait systématiquement à une perte de résolution : les images devenaient systématiquement floues (ou une simple mosaïque de pixels). Entraînés à partir de milliards d’images, les algorithmes de superrésolution n’agrandissent plus vraiment les images, ils en fabriquent d’autres plus ou moins à l’identique par déduction statistique. Ainsi, ils sont capables de produire des définitions supérieures sans perte de résolution (le diable est dans les détails).
Ces outils servent à améliorer autant que possible cette opération d’agrandissement. Ce faisant, toute trace structurelle de l’image doit être corrigée. Il est donc essentiel pour ces outils de comprendre ce qui dans l’image à traiter relèverait du bruit afin de l’éliminer. Le bruit, ce sont les traces à priori non qualitatives de l’appareillage (caméra, mais aussi systèmes d’enregistrement et différents artefacts des formats).
Pour résumer : ces outils combattent ce que je développe dans mon travail. Ainsi cette pièce met en scène cette dispute, ce combat de résistance entre mon jeu de détournements des standards de compression vidéo et ces outils d’amélioration des images dopés à l’intelligence artificielle, qui sont faits pour effacer mes traces. Bien sûr cela ne fonctionne pas, et il y aura certainement à l’endroit de cette dispute quelque chose à penser : le rapport signal bruit que nous, humains, pouvons détecter dans la lecture des images, met en défaite de façon ridicule ces outils et les performances qu’ils affichent dans des approches très standard.
Toutes les scènes de la vidéo ne nécessitent pas la même quantité d’explications. Elles ne sont pas toutes engagées dans le même degré de questionnement sur la lecture des images.
Le travail pour cette vidéo a des conséquences effrayantes sur ma consommation électrique. Il a tout simplement triplé mes besoins habituels en période de travail intense. Raisonnablement le jeu n’en vaut pas la chandelle. C’est peut-être la même chose que de monter à 3800 m en téléphérique pour prendre l’air et faire quelques photos.
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— field recording : vent et oiseaux en montagne
Image anonyme (dans la collection de Gabriel Loppé), Sommet du mont Blanc, glaciers des Bossons et de Taconnaz depuis le Brevent, seconde moitié 19e siècle/Collections des Musées d’Annecy
L’image est montrée à l’écran dans sa qualité d’Archive telle qu’elle m’a été fournie par le musée d’Annecy. Lentement, tout au long des 2,5 premières minutes apparaît en fondu la même image agrandie une quinzaine de fois par un algorithme hautement créatif d’hyperésolution. L’agrandissement entraîne un glissement esthétique vers quelque chose qui tranche avec la dimension photographique (historique) de l’image originale pour laisser place à une impression de décor numérique de jeu vidéo.
On peut remarquer quantité de détails imaginés (déduits) par le traitement d’agrandissement. La couleur entre. Le pourtour extérieur gauche de l’image semble se transformer en une sorte de cadre métallique avec des pièces assemblées et rivetées les unes aux autres. Quant au coin inférieur gauche, lui, il se transforme en roche, comme découvrant la lumière à la sortie d’une grotte. Les glaciers dans la partie basse adjacente se sont transformés en cascades. Elles chutent dans la partie inférieure extérieure de l’image, qui, elle s’est transformée en lac. On voit apparaître aussi ce qui pourrait être un réseau routier, ou une sorte d’enchaînement de canaux d’exploitation sur des pentes du sommet. Sur une arête au milieu un peu sur la droite, apparaît un ensemble de constructions. On peut remarquer des pylônes étranges dans les parties enneigées supérieures. On peut peut-être y lire une mine et son long tapis roulant pour transporter les minerais au centre, en dessous du Mont-Blanc. Le ciel, vide sur l’image originale, mais voilée par le volume du papier, tacheté et rayé, est transformé en un ciel nuageux craquelé. Une tache devient une sorte de lune étrange, et le bleu du ciel semble se dégager par endroits.
Durant les deux minutes suivantes, cette image va être emportée par quelque chose qui ressemble à une fusion étrange, qui, cette fois-ci n’est pas un fondu, mais le résultat direct de mon travail habituel avec la compression vidéo. C’est un panoramique vertical de cette même image agrandie précédemment, cette fois-ci en pleine résolution (et non pas à la même taille d’affichage que l’image originale), qui emporte dans ses transformations l’image réduite qui était affichée. Ce panoramique est une animation, elle permet un déplacement dans l’image qui a une résolution bien plus grande que celle visible sur les deux écrans.
Nous voyons se dessiner, avec un très haut niveau de détails, l’image produite par l’agrandissement de l’image d’archive originale. Et le mouvement nous conduit lentement vers les sommets jusqu’à l’apparition du mont Blanc. On peut voir avec plus de facilité certains des détails précédemment évoqués.
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— field recording : vent en montagne
— field recording : lignes électriques
Cette image, par la même méthode de transformation par la compression vidéo, va être emportée à son tour par un panoramique, que j’ai filmé cette fois-ci en 2021. C’est le glacier du Taconnaz, baigné dans la lumière, que l’on remonte vers sa partie supérieure, dans l’ombre. Cette séquence est fortement compressée et ce que l’on voit, ce sont ces supers algorithmes à l’œuvre pour essayer de ramener quelque chose de lisible dans cette image à la limite de l’abstraction. On peut remarquer le fort adoucissement des blocs de l’image qui ne sont plus des artefacts, mais des sujets. Apparaît ici un bruit vertical produit par cet agrandissement.
apparaît, par la compression vidéo dans les textures de l’image l’écho d’une image historique de Georges Tairraz I, Sommet du mont Blanc, côté des bosses. On y voit la mise en scène d’une photographie lors d’une ascension dans la seconde moitié du 19e avec trois personnages sur le sommet du Mont-Blanc. Ils sont là en contraste avec les machines qui vont suivre et peut-être une partie des marcheurs que nous verrons plus tard, eux aussi arrivés dans les hautes altitudes par les téléphériques.
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— field recording : vent en montagne
— field recording : chantiers
— field recording : lignes électriques et câbles
Ici arrivent deux images côte à côte : à gauche nous sommes dans le téléphérique de l’aiguille du Midi et nous allons gravir le dénivelé jusqu’à 3800 m, en traversant les nuages. La séquence est tournée avec un iPhone en 4K, et nous voyons un recadrage d’environ 25 % de l’image remis à la résolution de l’écran (c’est-à-dire agrandi quatre fois). On peut souligner les textures extrêmement artificielles de l’image originale amplifiée par cet agrandissement. L’iPhone embarque déjà des outils d’amélioration des images très avancés, qui produisent à des échelles assez grossières l’apparition de textures artificielles.
À droite nous voyons une des cheminées de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. L’image a été tournée en 2013, avec un canon Eos 7d muni d’une très longue focale. De la même manière, l’Image a été recadrée et agrandie pour retrouver exactement la résolution de l’écran. On y voit très nettement la diffraction de la couleur avec le rouge et le bleu qui bavent sur la cheminée.
Alors que nous continuons à monter en altitude sur l’image de gauche, je vais avoir traversé les nuages, l’image de droite change et nous voilà dans un autre téléphérique qui survole quand à lui le glacier du Géant entre la France et l’Italie. Les images se retrouvent face à face au moment où nous voyons apparaître à gauche et à droite des silhouettes à plus de 3000 m.
Si l’on fait attention, on se rendra compte que, sur l’image de gauche, ce qui semble de loin être des corps photoréalistes est en fait assez étrange et deux des personnages ont été fusionnés en une sorte de robot ou d’extra-terrestre.
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— field recording : vent en montagne
— musique : drones
— field recording : lignes électriques et câbles
Ici nous glissons dans un travail très plastique à la feuille d'or. Pour réaliser cette séquence, j'ai photographié en très haute qualité, en macro, une feuille d'or éclairée en studio, de manière à saisir toutes les aspérités de la texture reflétant la lumière. Cette Image a servi de point de départ pour y faire glisser un panoramique sur le glacier des Bossons à nouveau (filmé la même année que la séquence précédente du glacier). Ce travail sur la compression vidéo a pour conséquence que les textures du glacier et de la roche vont apparaître dans les textures de la feuille d'or et que lentement au fur et à mesure du mouvement dans l'image, les artefacts de la feuille d'or vont être emportés et déformés par ce que dessine la nouvelle image. Il en résulte une image à la limite de l'abstraction comportant énormément de détails, et que nous arrivons petit à petit à comprendre comme étant une image qui raconte une montagne et un glacier. Cette image a été agrandie environ 16 fois avec les algorithmes de super résolution avant d'être réduite à nouveau à la définition exacte du double écran.
Cet agrandissement a entraîné l'apparition d'une grande quantité de formes parasites à l'intérieur de l'image. Certaines d’entre elles pointent vers des paréidolies. L'image originale que j'ai soumise à l'algorithme d'agrandissement présente en outre un rapport signal/bruit très faible.
Il s’agit ici d’un parfait exemple de l’incapacité de l’algorithme à établir un résultat viable dans la compréhension des formes en présence. Dès lors, des approximations successives émergent, des formes basiques et anthropocentrées vont surgir du bruit.
Ce phénomène représente simplement les profondeurs insondables du processus, la limite abyssale de l’opération. Il est dû au fait que les algorithmes de super-résolution s’appuient sur un apprentissage préalable (sur des bases d’images typiquement issues de photographies réelles) pour reconstruire des détails absents ou imprécis. Lorsqu’ils sont confrontés à un niveau élevé de bruit ou à des motifs aléatoires, l’algorithme tente instinctivement d’y plaquer les occurrences fréquentes d’un point de vue statistique des formes qu’il cherche à approximer, comme des visages ou des objets usuels, puisque ceux-ci ont une forte prévalence dans leur ensemble d’apprentissage. Biais d’entraînement, paréidolie algorithmique, influence statistique des modèles génératifs : ces modèles cherchent à maximiser la probabilité statistique pour que l’image générée soit cohérente par rapport à ce qu’ils ont appris.
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— field recording : vent en montagne
— musique : drones
— field recording : chantier
Par le travail de vidéo compression, apparaissent dans l’image du glacier précédente deux images différentes à gauche et à droite. Elles sont prises dans les textures de ce qui était affiché auparavant. De plus, la neige et les zones plus claires de l’image vont se dégager plus vite que celles qui sont dans l’ombre et la roche.
Nous regardons le Panoramic Mont-Blanc, qui est un tour en téléphérique entre la France et l’Italie qui part de l’aiguille du Midi et relie la pointe Helbronner en survolant des zones mythiques. Il traverse sur un peu plus de cinq kilomètres le cœur du massif du Mont-Blanc en survolant la vallée Blanche et le glacier du Géant à plus de 3 000 mètres d’altitude. C’est une attraction touristique mécanique qui permet d’aller où la plupart d’entre nous ne peuvent pas.
Nous voyons se dégager sur l’image de gauche la montée vers le gros Rognon où se situe un bâtiment-pylône, que nous voyons en plan plus serré sur l’image de droite. Ces images sont brutes sorties de ma caméra (XF705 canon).
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— field recording : vent en montagne
— musique : drones
— field recording : chantier
Par le travail sur la compression vidéo va apparaître dans l’image de droite, en se dégageant bloc par bloc de l’image de la montagne, comme si elle la secouait et la creusait, l’image d’une énorme excavatrice dans la mine de lignite (charbon) de Hambach. Cette machine (Bagger 293) est d’une des plus grosses au monde. Celle que nous voyons mesure 96 m de haut et 225 m de long. Cette lignite est exploitée pour produire de l’électricité.
Cette image a été tournée en 8K avec un Canon R5 sur lequel était montée une très longue focale. Son extrême haute définition, réduit deux fois pour obtenir l’exacte définition de l’écran, et le travail de compression vidéo qui produit des structures où chaque pixel est individuellement visible, conduit à un sentiment extrême de netteté et de précision.
Apparaissent à droite (aux trois quarts de la hauteur de la hauteur sur la gauche) plusieurs marcheurs sur le glacier (00:20:28:00) que nous retrouverons un peu plus tard (ils font moins d’une dizaine de pixels à cette échelle)
Nous voyons à gauche se reconstituer « par dessus » la machine, l’image d’un plan serré de la montagne à droite.
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— field recording : vent en montagne
— musique : drones
— field recording : chantier
— field recording : sons électromagnétiques d’ordinateur
Voilà donc deux recadrages de l’image qui était à gauche précédemment. Il y a à gauche l’arrivée au gros Rognon depuis l’aiguille du Midi, et à droite le départ vers l’Italie.
Ces deux images ont été agrandies toujours avec les mêmes outils d’ upscaling. Mais ici, on voit apparaître des textures et des phénomènes étranges quand on s’approche des images. Les télécabines fusionnent plus ou moins avec la montagne, se transformant en une sorte de verre qui glisse sous la surface de l’image.
Ici, on commence à voir apparaître dans ces images, une sorte de courant marin qui glisse le long des surfaces enneigées. C’est le résultat des vibrations causées par l’ondulation des masses d’air chaud entre ce que je filme et moi. C’est un phénomène optique tout à fait naturel. Ici et comme ensuite, l’intelligence à l’œuvre détermine quelque chose qui provoque cette risée à la surface des neiges et des glaces (la risée est une petite onde provoquée par un léger vent ; elle donne à la surface de l’eau un aspect ridé ou frissonnant).
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— field recording : vent en montagne
— field recording : sons électromagnétiques d’ordinateur
Nous sommes sur le glacier du Géant filmé depuis les télécabines du Panoramic Mont-Blanc.
C’est d’abord dans l’image de gauche que nous revenons dans un agrandissement de la même image sur le groupe de marcheurs qui se trouvait tout petit précédemment. L’agrandissement a été fait depuis l’image tournée. Cette fois il n’a pas été fait depuis un recadrage, mais sur l’ensemble de l’image. Les textures sont comme emportées par la risée apparue sur la neige .
À droite apparaît un recadrage de l’image de droite (agrandie). C’est un upscalede l’upscale. On a là plusieurs générations de traitements avec les algorithmes (ia, comme tous les agrandissements).
Sur les deux images, on voit les corps disparaître et devenir d’étranges formes, d’une échelle à l’autre. Si un sentiment de réel persiste un peu à distance, de près, la scène ressemble à de l’animation. Dans l’image de droite, la simplification est intense et au fur et à mesure que l’on s’échappe du cadrage de gauche en suivant les personnages, et que l’on passe dans les nuages, l’agrandissement augmente pour tenir ces deux bâtonnets de randonneurs alignés sur la trace laissée dans la neige.
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— field recording : vent en montagne
— field recording : sons électromagnétiques d’ordinateur
— field recording : chantiers, machines
Au moyen de la vidéo compression l’image de droite est prise dans une transformation nuageuse qui ramène une excavatrice, cette fois-ci filmée dans la mine de Garzweiler, voisine de Hambach. C’est un recadrage sans agrandissement d’une image tournée en 8K. La machine nous fait face cette fois-ci et nous voyons les opérateurs sur la plateforme.
Dans l’image de gauche, les randonneurs-bâtonnets pulsés continuent leur marche dans ce décor rendu factice par l’agrandissement.
La matière de l’image de droite se densifie et, par la compression vidéo encore, va se restructurer dans cette vue industrielle, l’image d’un glacier. Image dans laquelle va disparaître la machine.
Ce glacier n’est pas au Mont-Blanc. Il est à 100km au sud du Mont-Blanc, c’est le glacier du Tabuchet que j’ai commencé à filmer il y a dix ans. Il est au pied de la Meije, mon mont favori.
Je filme deux endroits dans les Alpes, et je vais rarement voir l’un sans aller voir l’autre. En parallèle de ma passion pour la vallée du mont Blanc, je suis fou des Écrins, et plus particulièrement de la Meije. Même si la fréquentation y est extrêmement moins importante, un nouveau projet de téléphérique s’y est dessiné sur un glacier à plus de 3000m, et à jusqu’à présent été empêché.
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— field recording : Enregistrements de champs électromagnétiques de l’ordinateur en train de processer les upscalings avec l’ia
— field recording : Vents en haute montagne
Donc, nous avons glissé en grand écart entre deux glaciers, le Géant et le Tabuchet à 100 km de distance.
Les images s’inversent et nous voilà dans un recadrage d’une partie upscaléedu glacier empoussiéré à gauche et aux hautes falaises à pic au pied du mont Blanc filmé depuis le Brévent (image sortie de la caméra).
À droite, une couche rosâtre emmenée par la compression vidéo se met à recouvrir la glace déjà à peine visible. L’agrandissement a amplifié les milliers de craquelures. On sent la vibration des masses d’air. Au fur et à mesure que la compression « monte » s’intensifie une sensation de texture plus nette en différentiel avec le vocabulaire formel de l’image. La couleur semble s’être posée en transparence sur les tonalités grises. Et soudain un pan de glacier s’effondre.
Un avion (très similaire à celui emprunté pour filmer dans une prochaine séquence) entre dans le champ de la caméra par la droite et est figé net par la compression vidéo qui engage sur les deux images à la fois le passage au plan suivant.
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— field recording : Enregistrements de champs électromagnétiques de l’ordinateur en train de processer les upscalings avec l’ia
— field recording : vents en haute montagne
Nous voilà revenus pleinement sur le mont Blanc, puisque nous reprenons la suite du panoramique vertical sur le glacier des Bossons.
Sur le même principe que la séquence 2.2, mais sans la feuille d’or, nous glissons dans une image avec un très haut niveau de bruit. Il est tel qu’ici les paréidolies vont être beaucoup plus fortes. Dès le début de la transition, nous assistons à l’apparition de milliers de scènes où partout, personnages, membres et visages apparaissent enchevêtrés, se modulant d’une image à l’autre dans un flux vertical avant d’être petit à petit imbriqués dans des éléments architecturaux, le ramenant à des sortes de tablées surréalistes faisant de l’image une composition complexe de centaines de représentations agencées les unes avec les autres.
Mais à quelques mètres de l’écran, tout cela ne semble être que du bruit, une matière sans signes et qui, de façon surprenante, est en fait très fidèle à l’image avant son agrandissement.
La séquence se prolonge avec un nouveau travail sur la compression après ces étapes d’ upscaling.
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— field recording : Vents en haute montagne
Retour à deux détails d’une image historique upscalée : Anonyme (collection de Gabriel Loppé), Le plateau du Géant et le mont Blanc, 19e siècle (2e moitié), Collections des Musées d’Annecy
Grossis à des échelles différentes et avec des méthodes sensiblement différentes, à droite et à gauche, on rentre dans les détails et les textures décalées de l’image.
À gauche à partir de ces crevasses de glace vues au milieu du 19e siècle, nous allons retourner sur une séquence très travaillée du glacier des Bossons. Là nous avons l’endroit où la langue du glacier finit sur la falaise, à l’endroit où l’on voit la roche passer sous le glacier et d’où partent les torrents. Ce plan a été compressé avec beaucoup de travail sur les liens entre roche, glace et artefacts. Les textures vibrées par les ondulations de la lumière, compressées, ont été upscaléeslégèrement. Cela a suffi pour aller chercher avec les renforcements intelligents de contours l’apparition de crevasses supplémentaires dans les formes et produire une sorte de dessin qui vient rajouter de la complexité aux effets de matière.
À gauche, nous sommes sur un recoin un peu plus bas et quant à lui recadré et agrandi après avoir été compressé modérément. Les vibrations de la lumière sont fortes.
Nous voyons pour les deux écrans, le passage de l’image historique et les transformations par la compression des éléments plastiques de l’image avec un côté plus dur, rocailleux, glacier à gauche et plus liquide et en lavis à droite (où l’ upscalingest beaucoup plus fort).
— field recording : fonderie d’acier : machines et sirène
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— field recording : fonderie d’acier : machines et sirène
À droite, à la quatrième sirène, par un point de montage et un jeu sur la compression vidéo, apparaît au milieu de l’image la flamme d’une cheminée sur le site des fonderies de Dunkerque. La flamme fait une trentaine de mètres de haut. Instantanément elle perce l’image et updatetoute la zone où elle vibre. Au fur et à mesure du plan, elle va faire «fondre» les restes du glacier qui l’entourent. De la même manière, la vue va se dégager jusqu’à ce que l’image redevienne photoréaliste.
Des oiseaux passent.
À gauche se poursuit la séquence précédente et, lui aussi, le glacier redevient de plus en plus lisible.
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— field recording : intérieur d’usine, bruit de moteur en fond, quasiment silencieux
En cut, la flamme passe à gauche. Son rouge brûle encore plus.
À droite apparaît une image du plan original précédent du glacier des Bossons, agrandi dix fois et ramené ensuite à la taille de l’écran, et pris par la compression vidéo dans une texture de charbon. Avec l’écoulement du temps, l’image se dégage au travers des textures du matériau et semble encore plus s’assombrir en même temps que les nuages montent et que le glacier blanchit.
À 00:44:51:08, un petit bloc de glace se détache à droite et vient ouvrir une brèche bleue dans l’image. Le torrent glaciaire coule et les bleus s’intensifient.
À gauche des oiseaux passent à 00:46:21:22 et quand ils sont devant la flamme, l’image de droite se fait emporter par le plan suivant.
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— field recording : intérieur d’usine, machines électriques
— field recording : vent modéré montagne
De retour une dernière fois au grand panoramique sur les glaciers à la suite de 2.2 et de 3.2, sur la même technique, mais avec plus de travail a posteriorisur la compression des images.
Ici la flamme de la séquence de gauche précédente est restée en partie figée dans l’image du glacier qui monte et ses rouges se mélangent aux couleurs des artifices qui sont déjà là.
L’image glisse pour petit à petit se teindre et fusionner dans l’acier.
Idem à droite : les deux images fusionnent la même plaque légèrement en décalé.
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— field recording : vent un peu plus fort en montagne
— field recording : lignes électriques et câbles
De la plaque d’acier, nous voyons apparaître une double vue du mont Blanc, à l’envers à gauche et à l’endroit à droite. Ces deux images sont séparées de trois ans (2021-24). Ces images sont brutes sorties de ma caméra. Leur apparence est conséquence de la transition avec la compression vidéo.
Difficiles à distinguer, deux cordées de deux personnes évoluent sur l’image de droite. Proches de la séparation centrale des deux images, sur la gauche, ils sont dans la section centrale sur le plan de la hauteur. On peut repérer les traces dans la neige. Les personnages ne font que quelques pixels de haut.
— musique : drones
— field recording : vent un peu plus fort en montagne
Des oiseaux volent et traversent les deux écrans comme si ces deux images existaient en même temps.
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— musique : drones
— field recording : vent un peu plus fort en montagne
En décalé, les images de gauche et de droite vont arriver au moyen d’un cut. Chacune est un minuscule recadrage d’une section de l’image qui se trouvait à droite. Ce sont deux gros plans sur deux groupes d’alpinistes (précédemment évoqués).
Ici les images ont été énormément agrandies (depuis le rushoriginal, en plusieurs passages).
Les personnages distordus, devenus des sortes de masses abstraites plus contrastées que la neige, évoluent dans des paysages très lisibles. Si l’image a glissé vers l’artifice, elle n’en est pas moins fidèle sur le plan narratif à ceci près qu’ici, l’image est filmée depuis un point de vue situé à 11 km des personnages. La masse d’air importante qui se déploie entre la caméra et le plan de la montagne beaucoup plus importante entraîne des turbulences ondulatoires plus fortes que précédemment. Les couleurs sont comme emportées par la risée apparue sur la neige. Elle suivent les structures visuelles que nous voyons, comme si l’évènement avait été vraiment filmé. La risée marine devient ici un véritable ensemble de courants qui naviguent de manière très organisée en fonction de la géographie des formes. Ainsi, les corps des marcheurs en bas à gauche semblent faire obstacle à ce bruit dans l’image pourtant induit par l’ upscaling.
C’est en jouant avec ces circulations atmosphériques que j’ai capturé des couleurs en faisant des incisions dans les bords des images pour y introduire des sections de la séquence qui viendra ensuite. Avec mon travail de la compression vidéo, j’ai pu faire déborder ces couleurs et au contact des courants atmosphériques, la vibration les a emportés, comme l’eau emporte l’aquarelle au contact du pinceau.
En quelques minutes les couleurs se résorbent comme si elles coulaient véritablement dans les images pour venir reconstruire des lignes verticales.
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— musique : drones seulement et distorsions
En cut, nous sommes projetés dans les airs, exactement comme si nous étions dans le petit avion en 3.2. Ces images ont été tournées en 2019 lors d’un vol dans un petit Robin DR 360. Invité par des pilotes à faire cette expérience d’images, j’ai laissé ma caméra filmer comme elle pouvait au-dessus des 4000 m.
De cette danse visuelle, balancée par les courants d’air, on voit des images recadrées et upscalées, à plusieurs échelles. L’alternance des changements se fait encuts. Ici les couleurs sont celles qui apparaissent et sont amplifiées bien au-delà des capacités d’affichage de la plupart des écrans, au fur et à mesure des jeux de compressions, perdant toute relationa prioriavec les images originales. Les images sont recompressées etupscaléesencore avant d’être ramenées à la taille des écrans ou recadrées.
On notera les jeux de textures entre compressions vidéo et upscalings.
L’image vire au marron.
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— musique : drones seulement et distorsions très bas
— field recording : machines et chantiers
En cut, les deux images retrouvent leur indépendance.
À droite apparaît immédiatement un plan où nous retournons à la mine d’Hambach avec une nouvelle machine encore plus grande que les précédentes. Au coucher du soleil, dans cette exploitation qui ne s’arrête jamais, la machine termine d’avaler un pan de terre. A ses pieds, on peut distinguer une pelleteuse qui semble minuscule.
À gauche, nous voyons un magma visuel issu d’un travail de compression et d’ upscalingréitéré de multiples fois. La séquence est une animation sur une image historique du mont Blanc : Vue sur la chaîne du Mont-Blanc, prise par Henri Camere, vers 1930 (Collections des Musées d’Annecy). Nous remontons petit à petit vers le sommet de la montagne. L’image tremble, elle pétille, comme secouée par la machine de l’image d’à côté.
La compression monte au fur et à mesure que le temps passe pour ramener les artefacts des cadres noirs autour des images de la séquence suivante: la première de la boucle.
Cette pièce fait partie d'une série. La plupart du temps une série s'attache à un paysage, à une région. Il y a une certaine unité géographique.
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