paysages, corps, couleurs, matières, vitesses en arts plastiques, en numérique.
2021 (2019-2020), generative video ,
film infini (œuvre générative)
Compressions dansantes de données vidéo montées à la volée.
Avec la participation du Centre Pompidou, Hors Pistes
Distribution
Variable
« On a la curieuse sensation que les montagnes vous enferment pour vous tenir loin de tout le bruit et de toute la cruauté du monde. »1
Filmée lors d’un vol vers le Mont-Blanc, cette aventure aux sommets nous offre un point de vue rare sur de nombreux pics menacés par la disparition des glaces qui les maintiennent en équilibre. Emportée par la turbulence des vents qui empêchent toute trajectoire uniforme si près des falaises, la caméra filme au gré de l’énergie cinétique des mouvements de l’avion. Les images ne témoignent pas bien de ce que le cœur et l’imagination combinent comme énergie pour accueillir l’immensité de la vue et la magie du vol. L’impossibilité de voir la montagne semble être vaincue dans l’expérience. Mais les images que j’en rapporte racontent que ce défi de la technique contre la nature est balancé de tous les côtés par la violence du danger qui guette. En équilibre, les appareils utilisent toutes leurs forces pour se stabiliser, cette force paradoxale, c’est ce qu’il reste à l’écran. Toutes ces tensions vectorielles que je relâchais déjà dans avant l’effondrement du mont blanc sont ici libérées, explorées sans limites de temps. À l’infini s’entremêlent dans un flux les images-souvenirs de ce vol en haute altitude sans oxygène. À l’infini presque se mélangent les moments pour donner à voir de nouvelles textures de la brutale beauté de ces montagnes encore enneigées.
Cette pièce est un film infini. C’est une œuvre qui se génère au fur et à mesure qu’elle se joue. Elle est comme un paysage que l’on fréquente régulièrement et qui change au fil des jours et des saisons, dont la couleur, les textures évoluent avec la lumière et le temps.
Les images ont été tournées en mars 2019 lors d’un vol d’exploration du massif du Mont Blanc à bord d’un avion léger.
"You get the curious feeling that the mountains enclose you to keep you away from all the noise and cruelty of the world. "1
Filmed while a private flight to Mont Blanc, this adventure to the summits offers us a rare view of many peaks threatened by the ice's disappearance that keeps them in balance. Carried away by the turbulent winds that prevent any uniform trajectory so close to the cliffs, the camera films according to the kinetic energy of the plane's movements. The images do not reflect well on what the heart and the imagination combine as energy to welcome the immensity of the view and the flight's magic. The impossibility of seeing the mountain seems to be overcome in the experience. But the images I bring back tell us that this challenge of technique against nature is thrown to the wind by the violence of the danger that lurks. In balance, the devices use all their strength to stabilise themselves; this paradoxical force is what remains on the screen. All these vectorial tensions that I was already releasing in Before the Collapse of Mont Blanc are released here, explored without time limits. The memory-images of this high-altitude flight without oxygen are intermingled in an infinite flow. Almost infinitely, the moments blend together to give new textures of the brutal beauty of these still snow-covered mountains.
1 John Ruskin, to George Richmond, 24 May 1849, Letters I, W 36, pp. 100-101. See also To His Father, 16 August 1851, W 36, p. 117: 'It is so strange to come back here again and again, and see the same flurries of snow on the crests of the needles. It is not surprising that the rocks remain unchanged. But the flurries of snow! "︎
This piece is an infinite film. It is a work that is generated as it is played. It is like a landscape that we visit regularly, and that changes over the days and seasons, whose colour and textures evolve with the light and time.
The images were shot in March 2019 during a flight to explore the Mont Blanc massif on board a light aircraft.
« Dans ses « films infinis » qui subissent l’érosion algorithmique toute la durée de leur exposition, quand bien même les séquences aléatoirement montées par le programme se déroulent rationnellement, des débris de plans restent parfois plusieurs jours à la surface de l’image. Davantage calé sur le rythme de la nature que sur celui d’une séance humaine de cinéma, le film bâtit son propre espace-temps. Confrontés à l’impossibilité d’en contempler le début, le milieu puis la fin, nous nous retrouvons alors englobés dans sa propre durée – sa propre existence. »
Fleur Chevalier, Jacques Perconte / Robert Cahen, l’« inspect » du monde sensible
Comment le film se fabrique lors de sa diffusion ? Quel processus est mis en œuvre pour pousser la technologie à générer des images nouvelles d’une nature déjà enregistrée ?
Cette œuvre est animée par un programme que je recompose et affine à chaque nouvelle pièce. Il ne sert pas à agir sur les images ni à les transformer. Il génère le scénario du film. Ce sont les évènements du paysage filmé qui viennent agir sur la réalité technique de la vidéo. C’est de cette relation que nait la plasticité.
La matière première est un ensemble d’images filmées. Il est composé de rushes vidéo sélectionnés, préparés et « montés » les uns à la suite des autres par simple collage informatique (concaténation) des fichiers.
Sélection et préparation sont les deux étapes les plus importantes du travail. Elles sont interdépendantes.
La sélection consiste à choisir intuitivement parmi les images les passages selon l’énergie sujet-mouvement-lumière qui les caractérise.
La préparation de la vidéo repose sur des paramétrages particuliers de formats de compression et des manipulations de l’infrastructure technique des fichiers vidéo. C’est comme quand en cuisine, on prend une recette, et qu’en la suivant on change presque tout dans les proportions, que l’on inverse des phases tout en conservant les ingrédients.
Le fichier vidéo à partir de là n’est plus une suite d’images séparées les unes des autres qui animées restituent le mouvement. Dans ce processus, les images telles que nous les connaissons disparaissent. Elles ne sont plus des descriptions complètes de ce qu’elles doivent transporter. Chaque image est majoritairement réduite à une suite d’informations qui renseigne la transformation entre l’image qui la précède dans le flux vidéo et l’image actuelle (en fonction d’une autre image qui tient pour lieu de référence).
La préparation appelle régulièrement un affinage de la sélection. Tout le potentiel des images préparées vient de ce qu’elles sont : le sujet pris décrit par les choix de prise de vue. Cette pièce travaille à partir de 409 min d’images.
Pour la diffusion de l’œuvre, un programme va fabriquer un film à partir de cette matière première. Pour assurer la progression, le programme génère un montage à la volée. Des passages sont piochés selon des règles qui jouent avec l’aléatoire informatique. Ces tirages au sort explorent l’ensemble possible des combinaisons de montage. Au début, un point de départ est choisi quelque part dans la durée totale de la vidéo, une durée est établie pour le premier plan à afficher. Le passage est lu et affiché. Puis avant qu’il ne se soit totalement déroulé, sont calculés un autre point de départ et une autre durée pour ce qui sera le plan suivant. Cela sera, ainsi de suite le processus à l’œuvre, jusqu’à ce que chaque image de la vidéo ait été choisi. Ensuite, tout recommence dans un ordre différent. Il est question d’essayer toutes les combinaisons possibles de montage à l’image près avec ce matériel vidéo.
Il y a une particularité : dans le fichier vidéo fabriqué qui sert de matière première, chaque image est une actualisation informatique de la précédente. Il en résulte, dans la diffusion, qu’au montage de nouvelles images à un nouveau point, les formes et les couleurs qui arrivent, ne surgissent pas par une coupe comme habituellement on les trouve dans un chargement de plan « en cut » (ni en fondu, etc…). Elles n’apparaissent pas délimitées spatialement et temporellement dans un nouveau espace-temps. Elles naissent de ce qui était déjà présent et affiché. Le nouveau plan est une actualisation de l’ancien en termes de textures et de couleurs. Il s’opère une mise à jour plus ou moins progressive sous la forme d’une fusion entre les images du passé et celles d’un présent. Ainsi le film est un flux en constante modulation. Les séquences montées transportent un certain temps hors de leurs temporalités originelles, formes et couleurs créant toutes en textures des visions éphémères qui peut-être ne se reproduiront jamais. Constamment alimenté en images par le programme, le film se monte à l’infini.
Un grand Merci à Violaine Boutet de Monvel et à Vincent Sorrel pour leur si précieuse aide.
Films infinis, Perconte, Jacques
Cette pièce fait partie d'une série. La plupart du temps une série s'attache à un paysage, à une région. Il y a une certaine unité géographique.
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