paysages, corps, couleurs, matières, vitesses en arts plastiques, en numérique.
2007 (2005-2005), film 13'25''
Musique : Isabelle Silvagnoli
Producteur(s) : Jacques Perconte
Fichier numérique
Distribution
Cinémas
Distributeur(s) :
Lightcone, Collectif Jeune Cinema
Par une matinée ensoleillée au mois de mai 2005 dans les Landes sur le courant d'Huchet entre l'embouchure et l'île du pas-du-loup je tourne un film qui sera comme ceux de la série un voyage naturaliste vers l'abstraction…
Édité en DVD, sur le numéro spécial de la Petite Collection de Bref, en avril 2016 : Côté court, 25 ans sans concessions. Chalet Pointu
Par une matinée ensoleillée au mois de mai 2005 dans les Landes sur le courant d'Huchet entre l'embouchure et l'île du pas-du-loup, le batelier nous conduit sous les arbres au cœur de la réserve naturelle. Le soleil plaque les ombres de la flore sur l'eau. Au fur et à mesure que l'on s'approche des berges, les éléments de la flore s'agitent par petites touches. La nature et l'image se révèlent par impulsions dans les hautes herbes et les arbres. La couleur commence à se manifester. Et puis assez vite s'est tout le paysage qui se transforme pixel par pixel au rythme des spasmes de la compression, les couleurs changent, tout se complexifie, les arbres, les feuilles, les branches, tout se mélange et se met à foisonner. On arrive au courant, là où il y a les premiers écueils, on pose les rames et … noir.
On est à la rencontre de ce qui vient de se manifester, le noir se déchire bloc par bloc de rouge, roses, pourpres, violets, jaunes et verts on retrouve le courant, si calme et si paisible. Bercés par la forêt et ses chants, sur les frémissements de l'eau qui coule et nous emmène doucement, c'est l'image qui nous enchante, elle perce le décor, comme si on pouvait voir la magie qui compose les formes. Encore plus vivace et répondant à une autre logique, les couleurs se travaillent et s'exposent du vert vers le rose. Le ciel se transforme, l'image se peint. Et petit à petit tous les tons tournent au jaune.
On a bright morning in May 2005 in Landes on the current of Huchet, between the river mouth and the "pas-du-loup" island, I shot a movie which will be like those of the series of naturalistic journeys towards abstraction... Along the current, the boatman leads us under the trees into the wildelife reserve's heart. The sun sticks the shadows of the flora onto the water. As we approach the banks, the elements of the flora stir from time to time. Nature and the image show themselves by impulse between the tall grass and the trees. The color begins to show itself. And then, rather fast, it is the whole landscape is transformed pixel by pixel to the rhythm of the compression’s spasms. The colors change, everything begins to merge and to become abundant: trees, leaves, branches. Following the current, we put down the oars and... black. We are discovering what has just shown itself: the black is torn towards red, pink, purple, yellow and green... we find the current again, so quiet and peaceful. Rocked by the forest and its musical sounds, on the shivering water, it is the image which enchants us. It pierces the environment as if we could see magic composing shapes. Vivid colors, corresponding to another logic, work and expose themselves from green to pink. The sky is transformed, the image paints itself. Little by little, all the tones turn yellow.
par Damien Marguet, images de l'invisible, septembre 2008 (extrait)
J’aimerais maintenant parler d’un film intitulé Uishet, réalisé par Jacques Perconte entre 2005 et 2007, et qui relève, me semble-t-il d’une démarche similaire. L’artiste s’intéresse encore et toujours à la façon dont les images sont produites par la machine. Il n’est plus question d’agir sur leur composition, comme c’est le cas dans I love you, mais sur leur définition. C’est en faisant appel à des interprétations aberrantes de l’information par des logiciels de compression, en les fixant et en les superposant, que Jacques Perconte élabore ses créations filmiques : ‟ Je filme un paysage puis je l’encode de diverses façons (3ivx, divx, xvid…) en réglant l’image de manière à faire ressortir des aberrations formelles dues à la compression. Je travaille l’image en compositing pour mettre en relation ces déformations avec l’image originale. Je peins ces formes, je les insère dans le paysage. Elles lui sont liées par essence. ” C’est donc en demandant à des programmes d’interpréter de façon outrancière ce qui fut capté et interprété normativement par la caméra lors du tournage que le plasticien parvient à rendre compte d’un paysage. La ‟ réalité ” du courant d’Huchet, faisant défaut à l’enregistrement original, nous est restituée au moyen d’impressions ‟ virtuelles ”, générées par erreur et accumulées au sein d’une même image.
Nombre de commentateurs se sont intéressés à la matérialité d’Uishet. Le film nous place face à des phénomènes que nous connaissons (pixellisation, scintillement, saturation) mais que nous avons l’habitude de prendre pour des scories perturbant notre vision. Elles participent ici d’une esthétique, elles concourent à la beauté de l’oeuvre. Cette matière (vidéo ? numérique ?) enfin découverte, on ne peut s’empêcher de rapprocher ce travail des pratiques expérimentales sur pellicule, voir de la peinture, ce que l’artiste revendique au demeurant. De fait, Uishet s’annonce comme film, comme expérience de cinéma à part entière. Sa structure (plusieurs longs travellings réalisés à partir d’une barque dérivant sur l’eau) n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle des premiers documents cinématographiques. Mais Uishet n’est ni un document ni un témoignage, son espace conjugue des temporalités distinctes dont les écarts sont rendus visibles : retards d’une zone sur une autre par exemple, ou différences de couleur. À l’intérieur d’une même image, on peut ainsi distinguer plusieurs vitesses qu’il est impossible de rapporter à l’enregistrement initial ou aux nombreux traitements qu’il a subis. Les images ne se succèdent pas, elles s’entrelacent comme les branches, les feuillages bordant le torrent d’Huchet. On peut ainsi comprendre Uishet comme métaphore de lui-même : le film est un courant d’informations sur lequel dérive l’artiste, ses interventions sont des coups de rame qui n’agissent pas sur le flux mais qui orientent la navigation, la ralentissent ou l’accélèrent. Un paysage, un mouvement réel donnent lieu à un paysage et à un mouvement virtuels. Leur rapport, de l’ordre de l’invisible, définit désormais l’espace de la représentation.
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Pour une théorie du flou au cinéma, de Bidhan Jacobs, doctorant en études cinématographiques, Université Paris I î Panthéon Sorbonne.prefigurations / Octobre-Novembre 2007 (extrait)
[...] Enfin, Jacques Perconte, artiste français contemporain, a développé tout un ensemble de techniques détournant et dépassant les logiciels d’encodage et d’effets spéciaux afin de traiter les images brutes obtenues avec sa caméra DV. Au rebours de l’industrie qui cherche à réduire le fichier du film tout en conservant une qualité optimale des images de manière à ce qu’il puisse, par exemple, être lu sur un DVD, J. Perconte cherche au contraire à pousser au maximum les possibilités des logiciels de compression pour exploiter un type très particulier de flou. Uishet (2005- 2007) en est l’aboutissement. Par compressions successives, il interprète l’image originale (un lent travelling avant sur le courant d’Huchet), en la déstructurant, en faisant surgir d’abord quelques éléments de couleur (carrés, pixels) dans et autour des herbes, des buissons et des arbres longeant les rives de la rivière, puis des formes et des masses compactes et abstraites ; ce paysage proprement numérique, qui était comme latent dans les images brutes, charge,remplace, se superpose ou se glisse au sein des formes originales.
Ces trois catégories de gestes expérimentaux radicaux nous semblent pertinentes dans la mesure où elles permettent de regrouper de manière cohérente des artistes qui ne l’ont encore jamais été et de proposer une autre histoire des formes articulant des réflexions d’ordre techniques et esthétiques. Chaque geste peut aboutir à la même catégorie de formes plastiques radicales ou au contraire dériver vers d’autres catégories. Si la validité de ces catégories n’est pas encore totale, la fécondité de cette approche du flou comme démarche et phénomène est elle démontrée. [...]
extrait de 3) signaux numériques et dépassement des limites des logiciels
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Sur Objectif Cinéma, par Raphaël Bassan, critique de cinéma, cinéaste et écrivain, spécialiste de l’expérimental, mai 2007
[...] Uishet. Le spectacle est saisissant. Un bref trajet géographique nous conduit du lac de Léon à une traverse annexe : le courant d’Huchet. Les images, d’abord filmées, puis ouvragées avec des logiciels sophistiqués, proposent un travail très rigoureux sur les pixels. Chaque étape du voyage brouille les contours naturels des lieux pour aboutir à des tableaux d’incrustations visuelles. Perconte se coltine, durant des mois, comme un artisan, au matériau qu’on pourrait croire immatériel (le numérique !), mais qui présente pour l’artiste les mêmes résistances que la toile ou l’argentique. D’ailleurs, Perconte qualifie toujours ses créations de films.[...]
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par isabelle Silvagnoli, janvier 2007
Vous allez regarder le travail de Jacques Perconte. Dès que j’ai vu ses films je les ai trouvés extraordinaires. On aurait dit des tableaux de Monet animés. L’utilisation d’une technique avancée, ordinateur puissant, calculs infernaux ne sont là que pour servir l’oeuvre, utilisé comme outil et non comme fin il pousse à chaque fois la technologie jusqu’à sa limite. La création est sensible, vibrante et pleine de vie, sa vie…
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par Marie-Josèphe Jasson, Professeur d’arts plastiques, Lycée Notre-Dame de Sion, Paris
Uishet…quelques coups de rames…un courant insaisissable…Jacques Perconte nous emmène dans un voyage improbable…Nous nous laissons guider sur les lignes du paysage, émerveillés par une matière picturales pixellisée en mouvement. Dans ce mirage de lumière et de couleurs, durant quelques minutes, pour nous, le temps s’arrête…halte paisible au coeur d’un univers onirique…
Uishet ? Quel genre ? Un paysage…romantico réaliste, quelques touches d’impressionnisme, le tout filmé…mixé…broyé… Jacques Perconte nous propose un voyage enchanteur, un mirage de lumière et de couleurs dans lequel, petit à petit, les lignes s’estompent. Nous nous laissons emporter le long du courant pour le plus grand bonheur de nos sens….Pour nous le temps s’est arrêté…
Vie et et mort de l'artéfact, Lê, Corentin
Paysages traversés. Quelques films de Jacques Perconte édités chez Re:voir, Olcèse, Rodolphe
Bizarrement, le numérique donne du corps au cinéma, Katerji, Antoine
Jacques Perconte, Images de l’invisible, Marguet, Damien
Hypermnésique, Massart, Guillaume
Èclairage sur la lumière, Faure, Odile
Focus : Jacques Perconte, Paysages, images et matières, Olcèse, Rodolphe
Pesanteur et Couleur digitale : Uishet et Entre le Ciel et la Terre de Jacques Perconte, Yeo, Sun Jung
Traitement des signaux numériques et abstraction , Jacobs, Bidhan
Cette pièce fait partie d'une série. La plupart du temps une série s'attache à un paysage, à une région. Il y a une certaine unité géographique.
Les motifs et figures que je travaille. En cours de développement
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